Conclusions et implications

Conclusions et implications

Croissance économique

Dans le modèle de Solow, si toutes les conditions des fonctions de production néoclassiques sont respectées, la croissance économique de long terme necessite d’un taux de croissance (exogène) de la technologie. Pour rappel, le modèle atteint toujours un état stationnaire auquel le taux de croissance (de la variable $k$) devient zéro. Ainsi, si $k$ mesure le capital par tête, elle cesse d’augmenter; même si $K$ augmente au taux $n$. Au contraire, si $k$ se définit comme $\frac{K}{AL}$, la croissace du capital par tête est $g_A > 0$.

L’hypothèse du modèle responsable de ce resultat est la condition d’Inada qui force la productivité marginal vers zéro quand le capital devient abondant.

Vraisemblance du modèle de Solow

Si l’on souhaite comprendre les écarts de revenu par habitant dans le monde, le modèle de Solow nous offre deux alternatives. En effet, nous avons l’équation $y = Af(\hat{k}) = A^{1-\alpha}f(k) = A^{1-\alpha}k^\alpha$, ce qui signifie que nous avons soit :

  1. Des écarts dans le niveau de capital par habitant, soit
  2. Des écarts dans le niveau de technologie.

D’un côté, seule la croissance de la technologie $A$ est capable de générer une croissance économique dans l’état stationnaire. Si l’on se concentre en dehors de l’état stationnaire, il est facile de voir que la variable $k$ ne peut pas expliquer les écarts de richesse. Les estimations typiques pour la valeur de $\alpha$ donnent $\alpha = \frac{1}{3}.$

Prenons l’exemple de deux pays, $J$ et $K$, ayant le même niveau de $A$, où $J$ est dix fois plus riche que $K$ en termes de revenu par habitant, c’est-à-dire que $y_{J} = 10 y_{K}$. Selon la fonction de production Cobb-Douglas, $y_{J} = A^{1-\alpha}k_{J}^\alpha$ et $y_{K} = A^{1-\alpha}k_{K}^\alpha$. Par conséquent, $\frac{y_{J}}{y_{K}} = 10$ implique $\frac{A^{1-\alpha}k_{J}^\alpha}{A^{1-\alpha}k_{K}^\alpha} = 10$. En développant cette équation, on obtient $\left(\frac{k_{J}}{K_{k}}\right)^\alpha = 10 \implies k_{J}^\alpha = 10 k_{K}^\alpha $. Si $\alpha = \frac{1}{3}$, alors $k_{J} = 1000 k_{K}$. Ainsi, pour expliquer un écart de 10 en termes de revenu par habitant, il faudrait que l’écart de capital par habitant soit de 1000. Or, nous ne voyons pas ce type d’écart dans le monde réel.

Par exemple, le PIB par habitant en Allemagne est de 66132 (2023) tandis qu’en France il est de 58828, soit un écart de 1.1241. Pour expliquer cet écart uniquement par une différence de capital par habitant, il faudrait que l’Allemagne ait un niveau de capital par habitant $1.1241 = \left(\frac{k_{\text{GER}}}{k_{\text{FRA}}}\right)^\frac{1}{3} \implies k_\text{GER} = 1.42 k_{\text{FRA}}$, soit environ 42% plus élevé que celui de la France. Cela n’est pas crédible.

Par conséquent, si l’on prend le modèle de Solow au sérieux, les différences de PIB par habitant devraient provenir des différences de technologie, plus précisément des différences d’efficacité du travail. Malheureusement, le modèle de Solow ne nous dit rien sur la façon dont $A$ est créé, les raisons pour lesquelles $A$ croît plus rapidement dans un pays que dans un autre, etc. De plus, le terme efficacité du travail est un terme vague qui englobe tout ce qui n’est pas mesurable. Il englobe nos connaissances, notre éducation, notre manière d’organiser le travail, nos infrastructures, notre acceptation du risque, nos droits de propriété, etc.

Note pour calculer la valeur $\alpha \approx \frac{1}{3}$

La valeur $\alpha$ prend généralement des valeurs proches de $\frac{1}{3}$. Cela correspond à la rémunération totale du capital dans le modèle lorsque les marchés sont concurrentiels. Pour le voir, il suffit de calculer la fraction de la production totale reçue par les détenteurs de capital.

Note: ceci n'est valable qu'avec une fonction de production Cobb-Douglas. Autres formes fonctionelles n'impliquent pas que les détenteurs de capital reçoivent une fraction constante de la production.

$$\frac{RK}{Y} = \frac{R \frac{K}{L}}{\frac{Y}{L}} = \frac{Rk}{y} = $$ $$=\frac{f^\prime(k) k}{f(k)} = \frac{\alpha k^{\alpha-1}k}{k^\alpha} = \alpha.$$

Ainsi, en ayant une approximation du total versé en intérêts par rapport à la production, il est possible d’estimer $\alpha$.

Démonstration On cherche une forme fonctionnelle telle que: $\frac{f^\prime (k) k}{f(k)} = z$ où $z$ c'est une constante. Il s'agit donc de résoudre une équation différentielle:

$$\frac{f^\prime(k)}{f(k)} = z \frac{1}{k} \implies \int \frac{f^\prime(k)}{f(k)} \mathrm{d}k = z \int \frac{1}{k} \mathrm{d}k$$ Pour tant: $$\log(f(k)) = z \log(k) + \log(C) $$ $$\log(f(k)) = \log(Ck^z) $$ $$ f(k) = Ck^z$$
Ainsi, la seule forme fonctionnelle impliquant que le capital reçoive une fraction constante de la production est la fonction de type Cobb-Douglas: $f(k)=k^\alpha.$

$A$ comme la mésure de nos non-connaisances : comptabilité de la croissance

Il est relativement simple de montrer que $A$ mesure tout ce qui n’est pas mesurable. À partir du modèle de Solow, nous avons que le taux de croissance du PIB par habitant est donné par :

$$y = \frac{Y}{L} = \frac{K^\alpha (AL)^{1-\alpha}}{L} = K^\alpha L^{-\alpha} A^{1-\alpha} \implies $$ $$\implies g_{y} = \alpha(g_{K} - g_{L})+(1-\alpha)g_{A}.$$

Les taux de croissance du PIB par habitant ($g_{y}$), du capital total ($g_{K}$) et de la population ($g_{L}$) sont faciles à estimer. En outre, si les marchés sont concurrentiels et si le capital reçoit son produit marginal, $\alpha$ correspond au pourcentage reçu par les détenteurs de capital comme fraction de la production ($\alpha \approx \frac{1}{3}$). Ainsi, le dernier terme $(1-\alpha) g_{A}$ représente en fait la part de la croissance économique que nous ne pouvons pas expliquer avec les facteurs observables. Ce terme est connu sous le nom de “résidu de Solow”.

Souvent, on pense au résidu de Solow comme étant la croissance technologique, mais en réalité, il englobe tout ce qui n’est ni capital ni travail. Comme nous l’avons dit, cela comprend la technologie, mais aussi l’éducation, l’organisation industrielle, les infrastructures, etc. C’est en fait une mesure de notre ignorance des facteurs qui contribuent à la croissance économique.

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